Dès l'approche du site sur la petite route qui mène vers le front de mer, un fracas assourdissant et l'odeur âcre du plastique brûlé et de l'acier en fusion, et un décor d'apocalypse. Les chantiers de démolition navale d'Aliaga au nord d'Izmir en Turquie, où les cargos, les plateformes pétrolières et les grands paquebots viennent du monde entier pour mourir. Leurs fossoyeurs n'ont jamais fait d'aussi bonnes affaires.
La pandémie a porté un coup sévère au secteur de la croisière, une aubaine pour Adem Simseck, président de l'association des recycleurs de navires en Turquie. En 2020, il a acquis trois paquebots, des navires de croisière américaine d'à peine 25 ans autant que lui permettait sa zone d'échouage. Car derrière les chantiers, des dizaines d'entreprises spécialisées revendent tout ce qui a pu être sauvé : les ancres, les chaînes, les meubles et les vieux objets de navigations pour les collectionneurs.
La ferraille se trouve pourtant au cœur de ce commerce florissant. Une plateforme pétrolière par exemple pèse 70 000 tonnes d'acier. Au cours actuel, environ 35 millions d'euros de métal y sont à récupérer. Pour cela, il faudra tout d'abord la désosser méthodiquement par gros blocs. Ils sont posés sur le terre-plein, puis découpés à la torche en de plus petits morceaux. Les précieuses miettes de navires sont ensuite évacuées par camion.
D'ici un mois et demi, la plateforme aura disparu pour faire place à une autre épave. Cette course de vitesse exceptionnelle est extrêmement dangereuse pour les ouvriers. Cet été, deux d'entre eux ont été tués dans une explosion d'une chaudière qu'ils découpaient. Mais la paie est bonne, 1 200 euros par mois, deux fois le salaire moyen en Turquie. Certaines entreprises travaillant sur ces chantiers ont obtenu une certification européenne, indispensable pour les armateurs les plus scrupuleux. Cette année, 120 navires y seront démantelés. Une infime partie de ce marché mondial est dominée par les immenses casses à bateaux des plages du Pakistan, d'Inde ou de Chine.
TF1 | Reportage M. De Chevigny, D. Pires
Le Journal du week-end a été diffusé sur TF1 le dimanche 5 décembre 2021, 20h17.