Thomas Sotto reçoit Véronique Bédague, PDG du groupe immobilier Nexity sur le plateau des 4 vérités. Comment qualifier la crise immobilière que traverse la France aujourd’hui ? Pour Véronique Bédague, PDG du groupe immobilier Nexity, c’est un vrai problème qui touche tous les nouveaux entrants, notamment les jeunes actifs sur le marché du travail et les étudiants dont l’accès au logement est devenu pratiquement mission impossible : « Il n’y a pas vraiment de solution pour eux ». Premier symptôme de cette crise sans précédent, une hausse des prix constante sur le marché immobilier pour une raison simple : « Les prix ne baissent pas car au fond dans ce secteur il y a une donnée qui dure depuis longtemps : il n’y a pas assez d’offres de logement dans ce pays. Tant qu’il n’y aura pas assez d’offres, les prix ne baisseront pas » souligne notre invitée qui traduit le driver essentiel de cette crise. Autre facteur sous-jacent qui gangrène le secteur immobilier: l’augmentation des taux d’intérêt depuis le début de la guerre en Ukraine, ce qui entraîne une baisse significative pour ne pas dire gargantuesque du pouvoir d’achat qui atteint les moins 25% en seulement 18 mois à cause de l’augmentation des taux de crédit passant de 1% début 2022 à 4,2%, et ce sans les frais d’assurance. La première responsabilité reviendrait-elle aux banques qui grippent le système ? Le problème est plus complexe : « C’est les taux d’intérêt de la banque centrale qui augmentent. Il y a moins de financements dans l’économie et donc effectivement il y a moins de prêts disponibles » explique Véronique Bédague qui souligne l’ampleur des dégâts atteignant les moins 44% depuis l’année dernière. Cela fragilise foncièrement le secteur de l’immobilier qui vise déjà une perte de 30% sur la vente de logements neufs par rapport à l’année passée : « Cela se traduira vraiment pour les Français dans leur vie quotidienne à la rentrée 2025-2026 qui sera encore plus tendue que la rentrée qu’on vit aujourd’hui ». Une crise qui devrait perdurer sur le long terme et qui devrait retarder sérieusement les délais de livraison. Crise de l’immobilier : l’anti jeu des banques ? Le prêt à taux 0 qui devait être supprimé à la fin de l’année va néanmoins être prolongé jusqu’en 2027. Est-ce de nature à assouplir le marché ? Cette disposition s’adresse exclusivement aux primo-accédants avec un plafond de 100 000 euros. « C’est une vraie décision du gouvernement Borne ces dernières semaines. Ça va aider une partie de cette population. Ça ne fonctionnera plus dans le neuf dans les zones appelées détendues et dans l’ancien » ce qui devrait rebooster le marché dans les zones tendues. Malgré tout, cette aide instiguée par le gouvernement exclut les maisons individuelles, qu’il n’estime pas conformes aux nouvelles règles écologiques. Pour la PDG du groupe Nexity, cette décision est absurde : « C’est une erreur » sur laquelle elle appelle l’exécutif à corriger le tir et à lâcher du lest aux agents sur le terrain. Mi novembre, Élisabeth Borne a annoncé un coup de pouce d’un milliard, deux cents mille euros pour financer des logements sociaux. La Première ministre veut construire 35 000 logements étudiants et doubler la construction des logements locatifs intermédiaires, passant de 15 000 à 30 000 par an. Est-ce enfin une prise de conscience politique que Véronique Bédague appelait de ses vœux depuis un moment ? « Je trouve que les lignes bougent […] depuis sept ans, j’entends économie et développement durable mais je n’entends pas les aspirations des Français. On peut aussi accepter de traiter ce troisième volet » souligne notre invitée qui rappelle la priorité numéro des Français : accéder à la propriété, à la location et aux logements sociaux quand ils y ont droit. La météo immo n’est pas non plus au beau fixe pour la location. En effet, la situation a encore empiré depuis ces derniers mois. Comment expliquer une telle paralysie ? « Les promoteurs produisent beaucoup moins de logements neufs ce qui permet la mobilité » explique notre invitée qui pointe également du doigt la loi climat et résilience qui interdit de louer dans le temps en fonction de la performance énergétique des bâtiments. « Le marché locatif se réduit alors qu’il y a beaucoup de personnes qui n’ayant plus accès à la priorité ont envie de rentrer sur ce marché » ajoute l’ancienne haut-fonctionnaire. Néanmoins, elle souhaite réellement s’attaquer à ce patrimoine existant et ces passoires thermiques, en accompagnant davantage les propriétaires sur le terrain de la rénovation énergétique du bâti pour améliorer la performance de ces logements. Bruno Le Maire s’interroge lui aussi sur la pertinence de ce calendrier. De son côté, Véronique Bédague appelle à réviser ces délais.
Télématin a été diffusé sur France 2 le lundi 20 novembre 2023, 07h41.